Évangile
« Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » (Mt 20, 1-16)
Alléluia. Alléluia.
Elle est vivante, efficace, la parole de Dieu ;
elle juge des intentions et des pensées du cœur.
Alléluia. (cf. He 4,12)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux est comparable
au maître d’un domaine qui sortit dès le matin
afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d’accord avec eux
sur le salaire de la journée : un denier,
c’est-à-dire une pièce d’argent,
et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures,
il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire.
Et à ceux-là, il dit :
“Allez à ma vigne, vous aussi,
et je vous donnerai ce qui est juste.”
Ils y allèrent.
Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures,
et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore,
en trouva d’autres qui étaient là et leur dit :
“Pourquoi êtes-vous restés là,
toute la journée, sans rien faire ?”
Ils lui répondirent :
“Parce que personne ne nous a embauchés.”
Il leur dit :
“Allez à ma vigne, vous aussi.”
Le soir venu,
le maître de la vigne dit à son intendant :
“Appelle les ouvriers et distribue le salaire,
en commençant par les derniers
pour finir par les premiers.”
Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent
et reçurent chacun une pièce d’un denier.
Quand vint le tour des premiers,
ils pensaient recevoir davantage,
mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier.
En la recevant,
ils récriminaient contre le maître du domaine :
“Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure,
et tu les traites à l’égal de nous,
qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !”
Mais le maître répondit à l’un d’entre eux :
“Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi.
N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ?
Prends ce qui te revient, et va-t’en.
Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi :
n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ?
Ou alors ton regard est-il mauvais
parce que moi, je suis bon ?”
C’est ainsi que les derniers seront premiers,
et les premiers seront derniers. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
Jalousie, cupidité, médisance… Les qualificatifs manquent pour désigner l’attitude de ces ouvriers de la première heure, qui ne voient chez leurs collègues arrivés plus tardivement que des profiteurs qui abusent de la générosité du maître. L’expression est restée proverbiale : les « ouvriers de la onzième heure » ne méritent que du mépris de la part de ceux qui ont, dès le début de la journée, enduré le poids du jour et de la chaleur. Nous sommes, au fond, d’accord avec eux, même si nous comprenons qu’il ne s’agit là que d’une parabole et non d’une leçon d’économie ou d’un conflit relevant du droit du travail. Est-ce bien juste, tout cela ? Est-il juste, ce père qui accueille à bras ouvert le fils parti courir le guilledou pendant que l’autre fils faisait son devoir en restant à la maison ? Est-il juste, ce berger qui abandonne les 99 brebis raisonnables pour partir à la recherche de la fofolle qui s’est égarée dans les pâturages ? Ce qui est en jeu, c’est la compréhension que nous avons de la justice de Dieu. Le maître, en tout cas, l’annonce à ses ouvriers : « Je vous donnerai ce qui est juste. » Il a promis aux premiers embauchés une pièce d’argent. Il tient parole. La justice, pour lui, n’est pas de récompenser chacun en fonction des efforts qu’il a fournis. Qu’est-ce donc que la justice, pour Dieu ? C’est de tenir parole, d’être fidèle aux engagements pris. Quand Dieu donne sa parole, quand il s’engage, il ne se dédit pas, et c’est cela qui a de l’importance pour nous, les humains. Les ouvriers, eux, n’attendent qu’une chose : c’est qu’il change d’avis et se montre finalement plus généreux qu’attendu. Ils ne regardent pas le maître, mais l’argent qu’il donne. C’est à cet argent qu’ils réduisent leur relation avec lui. Ils sont incapables de mesurer à sa juste valeur l’incroyable générosité de cet homme qui embauche à tour de bras ceux qui traînent dans les rues et va les payer sans compter. A l‘image du maître de la parabole, Dieu est celui qui reste fidèle à l’alliance conclue avec l’humanité, quoiqu’il arrive. C’est sur cette alliance, sur la fidélité de Dieu plus que sur la nôtre, que nous construisons notre propre foi. Ne nous trompons pas : la fidélité de Dieu ne se mesure pas à notre propre conception de la justice, elle est au-delà de toute justice et de notre propre fidélité.